Fédération de Haute-Saône du Parti socialiste

27.12.2024 – Déplacement du 1er ministre à Mayotte : Courrier d’O. Faure à F. Bayrou

Monsieur le Premier ministre,

Mayotte n’est plus qu’un paysage de désolation. L’immense majorité de nos compatriotes ont tout perdu, leur maison, leurs biens, et se retrouvent aujourd’hui privés d’accès à l’eau potable, aux vivres et aux premiers soins.

Vous avez fait savoir que vous vous rendrez dans ce département dimanche prochain, soit plus de quinze jours après qu’il a enduré le cyclone le plus dévastateur depuis 90 ans.

À trois reprises, monsieur le Premier ministre, vous n’avez pas adressé les bons signaux aux Mahoraises et aux Mahorais et suscité l’incompréhension de nos concitoyens.

Vous avez en effet pris la décision de ne pas vous rendre immédiatement à Mayotte lundi 16 décembre mais au conseil municipal de la ville de Pau, dont vous entendez rester le maire. Une semaine plus tard, le 23 décembre, vous avez fait le choix d’annoncer la composition de votre gouvernement alors que la journée de deuil national n’était pas encore achevée. Et lors de votre intervention télévisée le soir-même sur BFMTV, vous n’avez pas eu les mots qui s’imposaient et avez même semblé chercher à relativiser l’importance de la catastrophe.

Ce courrier ne vise cependant pas à revenir sur ces premiers épisodes mais à s’assurer que tout est bien entrepris pour venir en soutien à un département français. Nul ne doute que s’il s’agissait d’un département de l’hexagone, l’attention portée serait décuplée. Au-delà du caractère tragique lié au passage de Chido, c’est notre relation à nos concitoyens ultramarins qui est en jeu.

Nous avons soutenu la création d’un pont maritime et aérien pour acheminer l’aide d’urgence et celui d’un hôpital de campagne pour prodiguer les premiers soins aux blessés. Ces décisions allaient dans le sens de notre appel à déclencher « l’état de calamité naturelle exceptionnelle », dispositif prévu par la loi 3DS du 21 février 2022 qui permet de préjuger la condition de force majeure ou d’urgence pour rétablir le fonctionnement normal des institutions, l’ordre public, la sécurité des populations et l’approvisionnement en biens de première nécessité. Nous sommes reconnaissants à l’ensemble des militaires, agents des services publics, professionnels et bénévoles qui interviennent depuis sur place. Près de deux semaines après la catastrophe, la situation semble s’améliorer, mais pas partout. Les débris continuent de s’entasser faisant craindre des risques sanitaires, l’eau et la nourriture demeurent rationnés, l’électricité est coupée pour la moitié de la population et dans le Nord-Ouest de l’île et dans les bidonvilles rasés, les habitants se sentent abandonnés et attendent des aides. Aussi, pouvez-vous nous faire un point d’étape précis sur l’acheminement de cette aide d’urgence auprès des sinistrés ?

Vous avez d’abord laissé entendre que le nombre de morts serait important au regard du caractère historique de cette catastrophe naturelle, relayant ainsi les premières déclarations du préfet de Mayotte. Puis, quelques jours plus tard, lors de votre interview sur BFMTV le 23 décembre, vous avez déclaré que les morts se compteraient finalement en dizaines, pas en centaines ni en milliers. La prudence s’impose, d’autant que les conditions du recensement des personnes mortes sont difficiles et que les cimetières sauvages se multiplient. À ce jour, on dénombre officiellement 39 morts et plus de 4 000 blessés, des chiffres dont il ne faut pas sous-estimer l’ampleur mais qui ne semblent pas en adéquation avec la réalité des quelques 100 000 personnes qui vivent dans un habitat précaire sur l’île, comme le précise encore le préfet. Aussi, pouvez-vous nous indiquer où en est le travail de recensement des personnes décédées engagé par les équipes de la Préfecture et du ministre de l’Intérieur ?

Les dégâts, vous le savez, sont immenses et la reconstruction un impératif au titre de la solidarité nationale. Vous avez évoqué le délai de deux ans pour reconstruire Mayotte. C’est ambitieux, d’autant qu’il ne s’agira pas de reconstruire à l’identique mais selon de « nouveaux critères » –reste à savoir lesquels ? La loi spéciale promise par la Président de la République pour faciliter la reconstruction ne sera utile que si elle lutte contre l’habitat indigne, engage l’île dans la transition écologique en développant l’adaptation et la résilience en matière d’urbanisme… Un effort particulier devra être engagé pour la reconstruction des bâtiments publics, en particulier les écoles, collèges et lycées. Tout cela va coûter cher, et les aides, notamment européennes, seront probablement insuffisantes. C’est pourquoi j’ai proposé que l’on prélève un impôt exceptionnel sur les ultra-riches pour aider à la reconstruction de ce département le plus pauvre de France. Monsieur le Premier ministre, reprendrez-vous cette contribution qui incarne la solidarité de la Nation à l’égard de Mayotte ?

Mais au-delà de la reconstruction, il faudra aussi et surtout investir dans cette île de l’océan indien qui a été ignorée depuis des décennies comme si son seul intérêt avait été au fond d’assurer une présence de la France dans cette vaste zone économique et maritime dans le grand jeu de la compétition mondiale. Il y a eu à Mayotte un laisser-faire combiné à un abandon du service public qui se révèlent aujourd’hui dramatiques. La nomination d’un ministre d’État chargé des Outre-mer est-elle davantage qu’un affichage ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour investir dans l’avenir de Mayotte, et en particulier dans celui de sa jeunesse ?

Sur toutes ces questions qui appellent un retour de l’État dans ce département français, vous saurez compter sur des socialistes constructifs mais exigeants pour que vos paroles se transforment en actes.

Je vous prie d’agréer Monsieur le Premier ministre l’expression de ma haute considération,

Olivier FAURE, Premier secrétaire du Parti socialiste, Député de Seine-et-Marne