La victoire du Nouveau Front Populaire marque la volonté de faire barrage à l’extrême droite mais représente également un élan pour transformer la société, revaloriser les salaires, améliorer le pouvoir d’achat, assurer la présence de services publics accessibles et dotés de moyens nécessaires partout sur le territoire. C’est en particulier le cas s’agissant de l’éducation nationale.
Notre école de la République et ses personnels ont en effet besoin d’être confortés, valorisés, reconnus et légitimés au cœur d’un projet d’émancipation, de coopération et de fraternité pour plus de justice, d’égalité et de démocratisation de la réussite.
Or qu’est-il prévu à ce jour pour assurer une rentrée apaisée, sereine, une rentrée qui ne fragiliserait pas notre système éducatif, une rentrée qui permettrait aux équipes pédagogiques d’accueillir leurs élèves et leur famille dans un climat propice à la réussite de tous ? Cette question mérite d’être posée quand on sait qu’à l’issue des concours, pas moins de 1163 postes restent non pourvus dans le premier degré public -1 227 en 2023-, portant ainsi à 5 500 le nombre de postes non pourvus entre 2017 et 2021 avec une aggravation notable depuis le déplacement des concours à la fin du bac +5 en 2022.
Un prochain gouvernement dirigé par un Premier ministre du Nouveau Front populaire devra s’assurer des conditions de la rentrée et répondre à l’urgence sociale exprimée par le pays et qui peut trouver à s’appliquer dans le champ éducatif.
Répondre aux urgences
Notre école ne peut plus attendre : les urgences sont identifiées depuis longtemps et pourraient fixer les premières décisions d’un gouvernement du Nouveau Front Populaire engagé dans la lutte contre les inégalités territoriales, sociales et économiques. Quelques principes d’actions devront être posés :
- Un enseignant formé devant chaque classe le jour de la rentrée et tout au long de l’année scolaire ;
- Le recrutement de moyens en remplacement pour garantir la continuité éducative et permettre aux enseignants de se former ;
- L’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire pour les plus modestes et les classes moyennes afin de rétablir un pouvoir d’achat profondément dégradé depuis trop longtemps ;
- Le rétablissement des bourses et fonds sociaux des collèges à un niveau qui permette de garantir aux familles les plus en difficultés l’accès des élèves aux transports, aux sorties scolaires et aux activités sportives et culturelles ;
- L’accès à la restauration scolaire pour tous les élèves ;
- Un moratoire sur les fermetures de classes après consultations et avis des élu.e.s en fonction des effectifs et avec une attention toute particulière aux écoles en milieu rural.
Ces mesures concrètes pourraient être prises dès l’installation d’un gouvernement du Nouveau Front populaire et marqueraient les premiers pas vers un service public de l’éducation gratuit et conçu comme un investissement dans la jeunesse et l’avenir de notre pays. Elles devraient toutefois s’accompagner d’un nouveau mode de gouvernance.
Une nouvelle gouvernance à la hauteur des enjeux et des défis
Au-delà des mesures elles-mêmes, les attentes et les espoirs de nos concitoyens portent également sur la question de la méthode utilisée pour mener à bien les objectifs fixés.
Depuis 2017, les incessantes injonctions ministérielles descendantes et infantilisantes des ministres de l’éducation nationale successifs ont porté atteinte au professionnalisme, à la légitimité et finalement à la place même des enseignants au cœur de notre société. Elles affaiblissent également notre école au sens où elles nient les capacités d’innovation, d’initiatives et d’accompagnement des équipes éducatives auprès de leurs élèves.
C’est pourquoi les acteurs de la société civile, de l’éducation populaire, les associations de parents d’élèves, les organisations représentantes des personnels de l’éducation au sens large du terme, les élu.es à tous les niveaux de collectivités doivent être associés et impliqués dans la mise en œuvre des mesures à engager mais aussi dans leur régulation et dans leur évaluation.
Coconstruire pour réussir
Le gouvernement nouvellement nommé devrait donc engager d’intenses concertations et consultations avec l’ensemble des partenaires du monde de l’éducation, concertations accompagnées d’une recomposition ouverte, élargie et pluraliste du Conseil Supérieur de l’Éducation pour débattre, réfléchir collectivement, aborder au fond et dans le temps les grands dossiers aujourd’hui en suspens parmi lesquels la mixité sociale et scolaire, la gratuité des fournitures scolaires, l’éducation prioritaire, l’école inclusive, la révision des programmes, l’état des bâtiments scolaires face au dérèglement climatique, les conditions de travail des enseignants –effectifs des classes, mutations des personnels,…- , le traitement de la grande difficulté scolaire, le service national universel, la réforme de l’enseignement professionnel…
Plus que jamais notre école a besoin d’apaisement, de sérénité, de temps et de co-construction avec la communauté éducative. Pour faire confiance à la jeunesse, nous avons besoin de faire confiance aux enseignants pour faire vivre le service public de l’éducation nationale.
Au final nous avons besoin d’une école de la République qui rassemble, qui remette l’émancipation au cœur de ses priorités et donne envie d’apprendre et de faire ensemble. C’est la promesse inachevée d’une démocratisation de la réussite pour tous nos jeunes et dans tous les territoires.
Souhaitons que le nouveau Front populaire puisse très vite s’en emparer.
Yannick Trigance, secrétaire national à l’École, au Collège et au Lycée,
conseiller régional d’Île-de-France